• Souriez pour la photo avec Mandela !

    photoavecmandela

    Les reporters et les caméras attendent devant l’hôpital la mort de Mandela. Obama est en voyage officiel en Afrique du Sud mais il semble qu’il soit trop tard pour prendre une photo du président américain au chevet de celui que l’on nous annonce dans un état critique depuis des semaines. On pourrait ouvrir un album des personnalités venues auprès du vieillard presqu’éteint pour avoir leur photo. Mandela fait l’objet d’une avalanche de louanges aujourd’hui. Bien évidemment ces louanges sont méritées et Nelson Mandela est le grand leader sud-africain. Il a donné sa vie pour mettre fin à l’apartheid. On essaie aujourd’hui de faire oublier l’époque où il a été jeté en prison. Les puissants le considéraient comme dangereux pour le monde occidental. En France, nous ne parlerons pas de l’attitude de Le Pen conforme à ses opinions racistes assumées. Il n’était pas le seul à être du côté de l’apartheid et à se soucier uniquement de leurs  colonies ou  néo-colonies. C’est le soulèvement de la jeunesse noire en 1976 à Soweto qui a ébranlé les consciences et c’est la fin de la guerre froide qui a sauvé l’Afrique du Sud d’une guerre civile encore plus meurtrière que ce qu’elle a été.

    Ce ne sont ni le massacre de Sharpeville en 1960, ni l’emprisonnement de Nelson Mandela en 1962 qui ont pesé sur les puissants mais bien évidemment des considérations géopolitiques. L’Afrique du Sud était considérée comme le passage maritime emprunté par les supertankers chargés de minerais stratégiques. En Afrique du Sud le pouvoir blanc minoritaire était une pièce du Front anticommuniste et la dictature Salazar était engagée dans des guerres coloniales en Angola et au Mozambique. Le Portugal appartenait à l’Otan d’une part et d’autre part l’Afrique du Sud disposait d’une station d’écoute et de surveillance des mers du Sud qui renseignait les pays occidentaux dans des échanges de renseignements, notamment avec la CIA qui aurait ainsi permis la première arrestation de Mandela. Les USA ont donc joué un rôle dans les malheurs de Nelson Mandela et le maintien au pouvoir des Afrikaners.  La France a de la même manière collaboré avec le régime de l’apartheid : vente d’une première centrale nucléaire dans les années 1970 avec les risques d’utilisation à des fins militaires, mépris pour les leaders de l’ANC de passage à Paris… Le pire a été envisagé au début des années 1980 au moment où l’insurrection avait de l’ampleur. C’est la « troisième voie » préconisée par la droite française et Jacques Chirac qui avaient fait le choix d’un Noir acceptable en la personne de Gatsha Buthelezi, un chef Zoulou dont les miliciens s’en prenaient physiquement aux partisans de l’ANC à coups de machettes. Ce collaborateur local des Blancs était reçu par Ronald Reagan et Margaret Thatcher mais aussi par Jacques Chirac alors maire de Paris. La Gauche n’a heureusement pas suivi à l’époque le cynisme d’une droite hypocrite.

    La révolte des Noirs d’Afrique du Sud et la chute du mur de Berlin ont provoqué un mouvement d’opinion dans le monde entier. Les dirigeants occidentaux ont du changer de cap tardivement et  parce qu’ils en avaient le pouvoir, ont poussé le régime de l’apartheid à libérer Mandela et à négocier.

    Les errements criminels des pays occidentaux ont coûté un quart de siècle de prison à Nelson Mandela ( 27ans avec une condamnation à perpétuité) et prolonger un pouvoir blanc imposant l’apartheid.

    Nelson Mandela est prix Nobel de la paix. « « En faisant scintiller notre lumière, nous offrons aux autres la possibilité d'en faire autant,  a-t-il lancé », lui qui a été si longtemps victime de l’obscurantisme. Malheureusement, d’aucuns sont venus auprès de lui seulement pour  la lumière des flashes.  Une photographie avec lui est devenue le passage obligé des Chefs d’Etat. On se souvient de Sarkozy et son épouse en 2008. L’ex-président français en avait profité pour faire écrire dans les colonnes du Figaro que, en quarante minutes d’entretien, le vieux leader noir avait approuvé la politique africaine d’un enfant de la Françafrique. Il est impensable que Nelson Mandela ait approuvé le discours de Dakar prononcé le 26 juillet 2007, lors duquel le tout nouveau Président français, descendu du bateau de son ami Bolloré, disait aux Africains : «  L'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire. […] Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance. […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès ».

    Bien entendu, comme à son habitude, Sarkozy a joué le VRP. La France et l'Afrique du Sud ont signé au Cap trois accords économiques, dont l'un porte sur la construction d'une centrale à charbon par le groupe industriel français Alstom pour une valeur de 1,36 milliard d'euros. Un voyage bien rempli en somme sur deux plans : la communication et la mission confiée par ses amis du CAC 40. Carla Bruni-Sarkozy était présente pour annoncer qu’elle envisageait d’avoir une action humanitaire. Dans le genre story telling, le scenario était parfait.

    Certains gouvernants dont Sarkozy (héritier du Chiraquisme et de la Françafrique) ont des airs de petits faux-culs sur les photos aux côtés de ce géant de l’Histoire qu’est Nelson Mandela. Sa fin serait proche. Sa disparition devrait permettre de revenir sur l’histoire de l’Afrique du Sud et le passé peu glorieux des puissances coloniales et néo-coloniales.

    Fucone

    Google Bookmarks

    Tags Tags : , , , , , , , ,
  • Commentaires

    1
    Je
    Vendredi 6 Décembre 2013 à 22:20
    Bien vu, bien argumente
    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :